11.06.2013 | sia online | Martin Ménard

Prescriptions énergétiques relatives à l’exploitation des bâtiments

En complément des lois applicables à l’énergie dans le secteur du bâtiment, des modèles de mise en œuvre alternatifs fondent maintenant une approche intégrant également la phase d’exploitation des ouvrages. Sur la base d’expériences menées dans les cantons de Genève et Bâle-Ville, la commission de la SIA pour les normes des installations et de l'énergie dans le bâtiment travaille actuellement à un modèle d’application incluant des prescriptions portant aussi bien sur la conception des bâtiments que sur leur exploitation.

La mise en œuvre des lois sur l’énergie dans le bâtiment repose jusqu’ici largement sur des prescriptions à respecter lors de la conception des ouvrages. Mais une nouvelle approche se dessine sous forme d’exigences relatives à l’efficience énergétique en phase d’exploitation. Le propriétaire a ainsi l’obligation de ne pas dépasser une consommation d’énergie donnée par surface utile en cours d’exploitation. S’il excède tout de même le seuil fixé, des mesures telles qu’une optimalisation de l’exploitation, des équipements supplémentaires ou l’achat complémentaire de courant certifié vert peuvent être imposées. Cela permet non seulement de garantir que les bâtiments sont suffisamment isolés et équipés d’installations efficaces, mais que leur exploitation répond également à des critères d’efficience. Mais les avantages de telles exigences vont au-delà de cet objectif: 

  • en fonction du modèle appliqué, elles permettent de réduire les coûts croissants liés à l’élaboration et au contrôle des certificats énergétiques durant la phase de planification d’ouvrages complexes
  • la marge de manœuvre des maîtres d’ouvrages et de leurs concepteurs pour la recherche des meilleures solutions architectoniques, énergétiques et économiques s’en trouve accrue
  • le contrôle de l’efficience énergétique en phase d’exploitation, contribue à assurer la qualité des études et de la réalisation
  • le suivi des indices énergétiques en phase d’exploitation permet de mieux évaluer les effets des mesures appliquées aux politiques énergétiques et de les affiner.

Dans le cadre d’une étude préalable sur l’efficience énergétique globale durant l’exploitation, commandée par la commission de la SIA pour les normes des installations et de l'énergie dans le bâtiment (KGE) avec le soutien de suisseénergie, une telle mise en œuvre alternative a été examinée. La base d’étude a été fournie par les premières expériences faites dans le cadre de la nouvelle loi sur l’énergie du Canton de Genève et dans celui du Campus Novartis à Bâle.

Nouvelle loi genevoise sur l’énergie

La révision de la loi sur l’énergie adoptée par le Canton de Genève (LEn L2 30, 9.2009) prévoit la collecte des données relatives à l’indice de dépense de chaleur (1) pour les quelque 50000 immeubles du canton. Pour le parc immobilier existant, une moyenne de consommation est établie à partir des données récoltées sur trois ans, avec les effets suivants:

  • si l’indice de dépense de chaleur excède 167 kWh/m2, un décompte des frais de chauffage selon la consommation effective doit être introduit
  • si l’indice dépasse 220 kWh/m2, un audit énergétique doit être effectué; de plus, toutes les mesures qui assurent un retour sur investissement dans une période allant jusqu’à trois ans doivent être prises dans un délai de deux ans
  • si l’indice s’élève au-delà de 250 kWh/m2, le même délai est imparti pour la mise en œuvre de mesures dont la rentabilité est assurée sur une durée allant jusqu’à cinq ans.

Des prescriptions analogues s’appliquent aux ouvrages neufs: si les indices seuils fixés lors de la conception sont dépassés de plus de 50% lors de l’exploitation, un délai de deux ans est imparti pour l’introduction de mesures rentables sur une durée allant jusqu’à trois ans ; si le dépassement excède 100%, des mesures rentables sur une période allant jusqu’à cinq ans doivent alors être prises. Comme l’on ne dispose pas encore de valeurs mesurées sur trois ans, le nombre de bâtiments neufs concernés par l’introduction de mesures supplémentaires pour remplir les exigences fixées n’est pas connu à ce jour. Pour les grands immeubles, la norme SIA 380/4 L’énergie électrique dans le bâtiment prescrit des exigences complémentaires quant à la consommation d’électricité pour l’éclairage, ainsi que la ventilation/climatisation. Mais seule la consommation électrique relative à la climatisation à partir d’une puissance réfrigérante installée de 20 kW doit obligatoirement être attestée par des mesures.

Une plate-forme Internet est dédiée à la collecte annuelle des données de consommation énergétique. Pour la mise en œuvre des mesures d’assainissement, on a prévu l’accréditation de quelque 150 conseillers chargés d’élaborer les concepts énergétiques appropriés et d’assurer le suivi des mesures annuelles.

Campus Novartis à Bâle

Pour le Campus Novartis, le Canton de Bâle-Ville a introduit dès 2004 un modèle incluant des exigences relatives à l’efficience énergétique de l’exploitation. Les bâtiments érigés dans ce périmètre doivent respecter une valeur limite corrélée à leur affectation en matière de chauffage, refroidissement, ventilation, éclairage et installations techniques durant leur exploitation. L’observation de la valeur limite doit être attestée dans un rapport annuel appliqué à tous les ouvrages du périmètre. En cas de dépassement, le canton exige la prise de mesures pour accroître l’efficience énergétique globale.

Perspectives

A la lumière des expériences acquises à Genève et à Bâle, la KGE travaille à un modèle de mise en œuvre de prescriptions énergétiques incluant des exigences applicables à l’exploitation. Ce modèle est envisagé comme une alternative à la complexité des actuelles directives d’application caractérisées par de nombreuses exigences systémiques et prescriptions de détail. A l’issue de la consultation interne le 15 juin 2013, le nouveau modèle de mise en œuvre sera soumis à évaluation publique comme proposition pour la refonte des modèles de prescriptions énergétiques des cantons (MoPEC 2014).

Martin Ménard, ing. méc. dipl., vice-président de la KGE

(1) L’indice de dépense de chaleur exprime le ratio d’énergie consommée pour le chauffage et la production d’eau chaude en fonction de la surface énergétique utile. L’indice moyen de dépense de chaleur dans un bâtiment neuf s’établit actuellement autour de 50 kWh/m2.