Normes SIA ou normes européennes?

En Europe, de gros efforts sont consacrés à la production d'une myriade de nouvelles normes. D'où la question récurrente de l'utilité de poursuivre une normalisation propre à la Suisse.

A fin mai 2011, on comptait 17319 normes européennes (EN) et quelque 6000 documents supplémentaires étaient en cours d'élaboration ou annoncés. A ce rythme, le nombre de normes européennes devrait à brève échéance dépasser celui des normes internationales ISO, qui est actuellement de 18600. Dans le domaine de la construction quelque 2000 normes européennes sont attendues, dont environ 600 seront des normes de produits harmonisées, le reste se composant de normes d'essais et autres normes de soutien. Face à cette multiplicité, la collection des normes SIA ne comptait que 176 titres à fin 2010, et celle de l'Association suisse des professionnels de la route et des transports (VSS) environ 810, mais totalisant un volume textuel nettement moindre. La disproportion de ces chiffres amène à se demander si une normalisation propre à la Suisse se justifie encore et pour combien de temps. Ne s'agit-il plus que d'une source de revenus pour la SIA, voire d'une barrière délibérée au commerce? Y a-t-il des différences entre la SIA et le Comité européen de normalisation (CEN) et si oui, sont-elles justifiées?
 

Objectifs de la normalisation de la construction

  Les objectifs de la normalisation européenne et de celle de la SIA étaient au départ totalement différents, même si des convergences partielles se dessinent aujourd'hui. Les statuts de la SIA précisent que les normes doivent constituer des instruments de travail et d'intercompréhension pour la pratique professionnelle. La SIA élabore donc des normes rédigées par des praticiens pour des praticiens, qui réunissent de façon concise et prégnante toutes les informations pertinentes sur un domaine de spécialité - de la concertation sur le projet à concevoir et ses options matérielles jusqu'à l'exécution de l'ouvrage - et qui représentent de ce fait les règles de l'art de bâtir. L'objectif premier de la normalisation européenne est en revanche d'éliminer les obstacles aux échanges dus à des exigences ou à des procédures de contrôle disparates appliquées aux produits commerciaux. Cela étant, la normalisation européenne poursuit son développement et s'attache toujours davantage aux services et prestations, à commencer par les "Eurocodes" (soit les normes européennes sur les structures porteuses) et au bien-être des consommateurs. Aujourd'hui, des normes européennes existent ou sont en préparation sur des sujets tels que la structuration de courriers commerciaux, les services de réception dans les hôtels ou les effets environnementaux des bâtiments. Parmi les nouveaux thèmes abordés, quelques-uns pourraient donc effectivement recouper le domaine de compétence de la SIA.

Obligation de reprise des normes européennes

  Comme membre à part entière du CEN, l'Association suisse de normalisation (SNV/ASN) s'engage à reprendre toutes les nouvelles normes. La SIA a repris cette obligation de la SNV pour le secteur de la construction en contrepartie du droit d'exploitation de ces nouvelles normes. La SIA complète les normes européennes par une page de titre et une préface nationale, laquelle précise la portée et la place de la norme dans le contexte suisse, en indiquant les éventuelles particularités que sa mise en Suvre y implique. Des règles ou des procédures spécifiques peuvent en outre être explicitées dans une annexe nationale. La portée croissante de la normalisation européenne exerce une forte pression sur l'adaptation des normes nationales. Les caractéristiques fixées pour les produits normalisés doivent être prises en compte et des notions de base doivent souvent être complètement redéfinies (à l'exemple de la valeur u appliquée à l'isolation). La SIA répond à ces exigences en intégrant peu à peu les nouveautés à son recueil de normes. Une norme systémique de la SIA renvoie ainsi la plupart du temps à un grand nombre de normes européennes. Il arrive aussi que des normes européennes soient résumées ou que seuls des aspects sectoriels soient normalisés.

Coexistence productive

  Tandis que les normes nationales élaborées par la SIA s'appliquent avant tout dans la pratique quotidienne, le spécialiste désireux ou obligé d'approfondir les spécificités et exigences fixées pour attester la conformité d'un produit peut en tout temps se référer aux normes européennes correspondantes. C'est précisément dans le domaine de la construction, caractérisé par une multiplicité de produits et de processus créatifs complexes et diversifiés, que les normes maniables élaborées par la SIA gardent tout leur sens et conserveront leur place. Une coexistence valide doit en même temps être assurée avec les normes européennes en vigueur. Dans le meilleur des cas, les normes nationales peuvent elles-mêmes orienter l'évolution de la normalisation européenne. L'exemple le plus récent est la nouvelle série de normes SIA 269 sur la Maintenance des structures porteuses, qu'un groupe de travail européen va prendre pour modèle pour élargir les "Eurocodes".

  Markus Gehri, responsable Normes et Règlements SIA