24.01.2018 | sia online | Hans-Georg Bächtold

Normalisation : où en sommes-nous ?

Lors de la récente assemblée plénière d’automne de constructionsuisse, Stefan Cadosch, président de la SIA, et Jean-Marc Jeanneret, membre du comité de la VSS, ont éclairé l’auditoire sur les activités de normalisation dans le secteur de la construction. C’est précisément grâce aux longues années d’engagement de la SIA et de la VSS que la branche des études et de la construction suisse dispose aujourd’hui d’un ensemble unique de normes concises, ciblées et abordables.

La toute première norme de la SIA, consacrée aux briques, a été édictée en juin 1883. Cette année-là, l’assemblée des délégués de la Société suisse des ingénieurs et des architectes (SIA), fondée en 1837, décide – à 56 voix contre 19 – de fixer la dimension standard des briques suisses à 25 x 12 x 6 cm. En posant les bases techniques d’un langage commun, cette première norme (du latin « norma » équerre, modèle, normal, règle) permettra par la suite de simplifier considérablement la conception et la réalisation d’ouvrages en briques. Depuis, la SIA a publié près de 200 normes, qui représentent aujourd’hui les règles reconnues de l’art de bâtir et sont largement appliquées dans la branche des études et de la construction.

En 1913, les autorités cantonales et communales en charge des travaux publics fondent l’Association suisse des professionnels de la route et des transports (VSS) dans le but de standardiser les infrastructures de transport. La VSS commence donc à élaborer des normes dès 1920. Mais c’est à partir de 1960, avec l’avènement de la construction autoroutière, qu’elle devient véritablement l’organisme central de normalisation suisse en matière de transport. Continuellement étoffée par la suite, la collection de normes de la VSS est également régulièrement adaptée aux évolutions dans le domaine de la mobilité (augmentation du volume de trafic, développement et mutation des modes de transport, conscience écologique accrue).

La haute surveillance sur les activités de normalisation à l’échelle nationale incombe au Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO), qui en a délégué la coordination globale à l’Association suisse de normalisation (ASN). La SIA et la VSS s’accordent sur ce point : il est plus facile d’édicter des normes que des directives, qui découlent généralement d’un processus politique de longue haleine. Contrairement aux idées reçues, les normes élaborées par ces deux associations professionnelles n’alourdissent pas la réglementation, mais font au contraire délibérément contrepoids à l’excès de contrôle et d’administration en permettant d’alléger la législation. Elles répondent à une stratégie qui consiste à valoriser, et même solliciter, les compétences et la responsabilité des praticiens, ainsi qu’au principe de la juste mesure – autant de normes que nécessaire, mais aussi peu que possible.

Cette approche de la normalisation concerne également les normes européennes applicables en Suisse, dont l’influence ne cesse de gagner en importance. Les standards européens sont régulièrement examinés et adaptés aux réalités suisses. A cet effet, la SIA et la VSS siègent au Comité européen de normalisation (CEN) et à l’Organisation internationale de normalisation (ISO).

Le système de milice doit être préservé
Les normes de la SIA et de la VSS sont élaborées paritairement par des commissions composées de concepteurs, de maîtres de l’ouvrage, d’entreprises, de fournisseurs et de représentants des autorités avec le concours de hautes écoles – avant d’être systématiquement soumises à une consultation publique. Aujourd’hui encore, ces activités sont portées par des professionnels bénévoles originaires de toute la Suisse – un système de milice fondé sur le volontariat – et reposent sur des échanges intensifs entre la recherche, la pratique et l’enseignement. Ainsi, des hommes et des femmes actifs dans les hautes écoles, dans les services communaux, cantonaux et fédéraux, et dans la branche des études et de la construction se retrouvent au sein de commissions chargées de mettre au point et d’actualiser des normes. Cette démarche permet d’appréhender les besoins réels du terrain et de mettre pleinement à profit le savoir-faire des personnes qui seront appelées à les appliquer – c’est là que réside la clé de son succès.

Un financement avantageux
La VSS dépense annuellement près de 4 millions de francs pour maintenir et développer ses normes – une somme qui n’inclut pas le travail fourni par les nombreux experts sur la base du volontariat. Si l’on ajoute quelque 21 000 heures au tarif horaire de 180 francs, ce montant atteint près de 7,36 millions de francs. En d’autres termes : sans système de milice, la VSS – tout comme la SIA – verrait ses charges annuelles augmenter d’autant.

La VSS se finance à environ 62 % par la vente de ses normes. En 2016, elle a reçu une contribution d’ASTRA, principal donneur d’ordre, à hauteur de 120 000 francs (près de 3 %). Les fonds restants proviennent des cotisations perçues auprès des membres (19 %) et des revenus tirés des cours de formation continue (16 %). La SIA finance aussi une grande partie de ses travaux de normalisation grâce aux cotisations d’affiliation et à la vente de normes, soit quelque 4,5 millions de francs par an. Certains projets de normes SIA bénéficient également de contributions de tiers. A titre de comparaison : la normalisation par les services fédéraux coûterait environ 13 millions de francs.

Exigences de la VSS et de la SIA

1. L’élaboration de normes destinées à la branche des études et de la construction doit rester du ressort de la SIA et de la VSS et s’effectuer selon leur stratégie – des normes tirées de la pratique pour les praticiens.

2. Les normes de la SIA et de la VSS doivent être développées dans le respect de la réglementation européenne, sans toutefois renoncer aux spécificités suisses.

3. L’assimilation hâtive des activités de normalisation de la SIA et de la VSS à un excès de réglementation doit cesser. Les normes de la SIA et de la VSS fluidifient les processus et contribuent au bon fonctionnement du pays.

4. Il faut également arrêter de réclamer la remise gratuite des normes de la SIA et de la VSS.

5. Le système de milice de la SIA et de la VSS, sur lequel repose les travaux de normalisation, doit être renforcé.

6. La normalisation, la recherche et la pratique vont de pair.

7. Culture du bâti, tremblements de terre, protection incendie, dangers naturels, numérisation : la SIA et la VSS relèvent les défis du présent et de l’avenir.