31.10.2012 | tracés | Jean-Pierre Wymann

Concours light

Le dilemme : les exigences imposées aux participants à un concours ne cessent de se multiplier, alors qu’en parallèle, nombre de maîtres de l’ouvrage souhaitent des procédures allégées. Est-ce à dire que dans sa simplicité, le concours traditionnel – impliquant la remise de plans et de maquettes à l’échelle 1:500 à l’exclusion d’autres prestations – a désormais vécu?

L’inflation continue des prestations imposées dans les programmes de concours est entre autres due à la complexité croissante des bases légales applicables, ainsi qu’aux impératifs de durabilité et d’efficience énergétique liés à la construction. Certains mandants réclament des prestations complémentaires dans l’idée qu’elles leur assureront la maîtrise des coûts. Or des membres du jury expérimentés n’ont pas besoin de plans détaillés à cet effet, car ils sont parfaitement à même d’évaluer les coûts à partir des données surfaciques et volumiques d’un projet.
Ce qui est par contre décisif pour le coût lié à l’organisation d’un concours, c’est le volume de travail demandé aux participants. Plus les exigences sont élevées, plus les frais induits par l’examen préliminaire des dossiers, puis le jugement lui-même, augmentent. Les règlements de la SIA sur les concours et les mandats d’étude parallèles favorisent justement l’allégement des procédures en limitant les exigences imposées aux concurrents. Il s’agit de s’en tenir aux aspects indispensables à la compréhension des projets, aux données évaluables avec fiabilité par les experts compétents, ainsi qu’aux éléments pertinents pour la décision.

Frais supplémentaires…
Les prestations supplémentaires entraînent non seulement une augmentation de la somme des prix, mais elles ne sont souvent pas utiles au jugement. L’organisateur d’un concours peut en revanche en alléger le cadre à bon escient en renonçant aux conditions suivantes: procédures sélectives ou à plusieurs degrés, rendus détaillant des aménagements ou des options structurelles et matérielles, visualisations, constitution d’équipes, calculs approfondis et planifications.

Procédures sélectives et à plusieurs degrés
Les procédures sélectives sont plus coûteuses que les concours ouverts, car elles impliquent l’examen de l’aptitude des candidats. La présélection étant ouverte à tous, l’organisateur peut se voir remettre une montagne de dossiers. Elle sollicite aussi fortement le jury, car son choix est susceptible de motiver un recours. De plus, l’opération nécessite du temps.
Quant aux procédures à plusieurs degrés, elles ne sont indiquées que pour des tâches dont la complexité est une donnée a priori. Elles servent alors à diminuer le nombre de propositions qui feront l’objet d’un examen plus approfondi au degré suivant. Mais dans bien des cas, une procédure à un degré suffit à déterminer la meilleure réponse à un problème.

Niveau de détail
Des plans d’aménagement à l’échelle 1:100 sont souvent superflus, car le jury est en mesure d’évaluer les potentialités d’un projet sans ce type de documents. Et au stade du concours, un approfondissement de l’ensemble du projet à l’échelle 1:100 est totalement inutile. De même, des vues et coupes de façades au 1:20e sont fréquemment requises, alors qu’il s’agit la plupart du temps de rendus stéréotypés dont la pertinence expressive demeure limitée.

Visualisations
Les images s’adressent avant tout aux membres laïcs du jury et détournent souvent l’attention des aspects essentiels. Les non-spécialistes ne parviennent que difficilement à distinguer les qualités d’un projet, si le visuel présenté ne les convainc pas. Or en matière de représentations, l’élément clé pour le jugement de la plupart des projets réside dans la qualification des espaces extérieurs rapportée à l’articulation du programme interne.

Constitution d’équipes
La constitution d’équipes ne se justifie que si le traitement du problème implique des disciplines distinctes, mais pas pour simplifier les procédures d’adjudication. Elle nécessite en effet une préparation plus longue et un examen préliminaire plus coûteux faisant appel à davantage d’experts. La composition du jury lui-même doit en outre être élargie aux spécialités concernées.

Calculs
Les données allant au-delà de celles fixées dans le Règlement SIA 416 Surfaces et volumes des bâtiments s’avèrent le plus souvent hors propos. Au niveau des coûts, les évaluations chiffrées des concurrents ne sont pas comparables entre elles et n’ont donc guère de sens. Quant à la fiabilité des calculs énergétiques et autres paramètres de détail, elle est elle-même tributaire de l’approfondissement des plans. Le nombre d’inconnues limite donc fortement la pertinence de telles projections.

… ou économies bien comprises
Les exemples suivants illustrent les options dont dispose un organisateur pour réduire les frais liés à un concours.
Souhaitant introduire des procédures allégées, la Ville de Zurich a lancé en 2012 un petit concours de projets selon le Règlement SIA 142 pour le remplacement de deux immeubles d’habitation collectifs à Zurich Seebach. Or les exigences malgré tout imposées aux concurrents sont assez ahurissantes: plan de situation à l’échelle 1:200 avec plans d’étage, coupes et rendus de façades au 1:100e. Le tout complété par la coupe et le détail des façades au 1:20e. Des économies ont en revanche été faites sur l’examen préliminaire des dossiers et sur le rapport du jury.
L’organisateur du concours mené en 2003 pour l’École des métiers de Fribourg s’est montré plus inspiré. Il a économisé en amont, en limitant d’emblée à l’essentiel les travaux exigés pour ce concours ouvert à un degré. Soit des plans et une maquette à l’échelle 1:500. Le déroulement du concours s’est strictement conformé au Règlement SIA 142 et il a débouché sur une réalisation exemplaire. Le projet lauréat de Graber Pulver architectes a d’ailleurs été distingué par l’or dans le cadre des «best architects Awards» décernés cette année.
L’organisateur peut aussi réaliser des économies au niveau de la composition du jury. Celle-ci est conforme dès lors que la majorité de ses membres sont des professionnels et qu’au moins la moitié d’entre eux sont indépendants du maître de l’ouvrage. Autrement dit, le plus modeste des jurys se compose de trois membres et d’un membre suppléant: deux de ces trois membres doivent être des professionnels, dont l’un sans lien avec le mandant.
Comme principe de base de la passation des marchés, la gestion efficiente des deniers publics commence par le choix d’une procédure simple et ciblée. Pour organiser des concours allégés, il importe d’en limiter les exigences à ce qui est indispensable à la compréhension des projets proposés, à ce qui peut être évalué avec fiabilité et à ce qui est pertinent pour aboutir au jugement. Lorsque les travaux requis sont d’emblée réduits aux éléments nécessaires, les moyens opportuns peuvent également être mobilisés pour leur examen préliminaire, puis le jugement proprement dit.