28.03.2011 | Thomas Müller

Séminaire de direction 1/2011

La collection des normes et règlements de la SIA est un modèle qui a fait ses preuves. Avec la compétence des professionnels à l'Suvre, elle joue un rôle décisif dans la production et le maintien de la qualité élevée qui distingue le patrimoine bâti en Suisse. Face aux labels et certificats, une appréciation nuancée est en revanche de mise - comme en a conclu la direction lors de son premier séminaire 2011.

Bien connu des milieux professionnels actifs dans le pays, l'acronyme SIA est largement assimilé à une garantie de qualité et de compétence pour l'étude et la réalisation d'ouvrages en Suisse. Cette réputation, la SIA la doit en priorité à sa collection de normes et de règlements. Depuis 1873, la Société publie, complète et tient à jour ces outils de travail essentiels à la culture suisse du bâti. Elaborés dans un esprit interdisciplinaire et paritaire, avec des moyens privés incluant une part notable de travail bénévole, les normes et règlements de la SIA peuvent être considérés comme des fondements majeurs de la qualité de l'environnement construit helvétique. Ce lien de cause à effet ne fait pas de doute pour la direction de la SIA. Cela étant, pour Adrian Altenburger, membre de la direction de la SIA et président de la Commission centrale des normes et règlements (ZNO/CNR), un seul et même arbre - autrement dit, le travail de normalisation assumé par la SIA - ne saurait produire un nombre illimité de fruits. Daniel Kündig, président de la SIA, note quant à lui une augmentation des critiques jugeant que la SIA élabore trop de réglementations, outre des rumeurs persistantes estimant que celles-ci font grimper les prix de la construction. Ce sont là les enjeux qui ont motivé la direction, réunie le 15 janvier 2011 à Sarnen dans le canton d'Obwald, à consacrer son premier séminaire de l'année à la réévaluation de la production normative de la SIA.

Éviter de dicter la manière

Dans le domaine des règlements, la direction s'est montrée fermement convaincue que les dispositions en vigueur sont nécessaires. Ne serait-ce que pour maintenir les réquisits d'un comportement éthique et de pratiques loyales au sein des branches concernées. Les problèmes qui se posent dans ce cadre, viendraient plutôt d'une moindre adhésion aux règlements, dont il s'agit dès lors de renforcer la reconnaissance et l'application, de même que celles des dispositifs contractuels correspondants. A cette fin, la distribution gratuite de certains règlements et, en particulier, des modèles de contrats SIA qui en découlent sera sérieusement examinée par la direction. Plus fondamentalement, la question de la pertinence des appellations "normes" et "règlements" a été soulevée. Sachant qu'une majorité d'intervenants externes ne fait pas la différence entre les deux, l'opportunité de parler uniquement de normes est évoquée. Une alternative serait de maintenir la distinction, mais en désignant les règlements comme des bases contractuelles. La revue des normes techniques a en revanche montré que la forte diversification dans ce gros domaine, actuellement balisé par quelque 130 normes, implique une analyse encore beaucoup plus poussée. Selon la direction, les questions fondamentales portent en l'occurrence sur l'étendue des thèmes couverts par les normes techniques, ainsi que sur le degré d'approfondissement des contenus qu'elles traitent et la délimitation de ceux-ci par rapport aux normes européennes majoritairement axées sur les produits. Il importe également de lier l'articulation thématique du portefeuille de normes aux objectifs prioritaires de la SIA et aux stratégies que ceux-ci impliquent, notamment en ce qui concerne l'énergie dans le bâtiment et l'aménagement du territoire en Suisse.

Sur le plan stratégique, la direction de la SIA entend maintenir une collection de normes qui placent au premier plan, voire présupposent, les compétences et la responsabilité personnelle des spécialistes qui les appliquent. La direction considère cette position comme fondamentale, car les défis liés à un développement qualitatif élevé de notre héritage bâti - surtout en matière de durabilité - nécessitent des approches sur mesure et des réponses soigneusement adaptées à chaque contexte particulier. De plus, la collection des normes SIA doit demeurer un soutien à la créativité des praticiens à l'Suvre et favoriser l'innovation. La direction veut ainsi délibérément opposer un contrepoint à la sur-inflation administrative et à la multiplication des contrôles qui dénient leur confiance aux professionnels. A l'avenir, la direction continuera donc à miser sur l'élaboration de normes SIA orientées systèmes. Autrement dit, des normes qui ne fournissent pas de recettes sur la manière de réaliser quelque chose, mais prescrivent ce que le résultat doit offrir, respectivement à quelles exigences de qualité il doit satisfaire. Plutôt que de brider l'innovation, les normes ainsi conçues encouragent au contraire les praticiens à faire preuve d'imagination et leur application garantit des ouvrages offrant d'importantes plus-values socioéconomiques. Enfin, la direction maintient la revendication du rôle de chef de file assumé par la SIA dans la normalisation du bâtiment en Suisse.

Course aux labels et aux certificats

La deuxième partie du séminaire s'inscrivait aussi dans l'ordre d'une révision de fond. La direction s'est penchée sur la "ruée vers les labels et certificats" qui a à son tour gagné la Suisse. On assiste actuellement à une inflation de nouveaux labels, certificats et prétendus sigles de qualité. Le qualificatif "prétendus" n'est hélas pas exagéré quand on considère les manquements parfois patents - qui vont jusqu'à tromper le consommateur - révélés par un examen critique de l'offre labellisée. L'approche globale pertinente fait souvent défaut, nombre de labels étant délivrés prématurément pour l'optimisation à court terme d'éléments, de systèmes ou de processus sectoriels. Une vérification appliquée par le bureau d'ingénieurs Amstein et Walthert à son propre immeuble administratif à Zürich-Oerlikon a ainsi montré que même la caution énergétique la mieux établie en Suisse, soit le label "Minergie", s'avère trop focalisée sur l'énergie d'exploitation pour correspondre aux exigences dictées par une approche globalement durable.

Initialement élaborés comme fils conducteurs dans le flux d'informations à disposition et certainement utiles aussi, le nombre de labels et certificats liés à la seule branche des études et de la planification s'est aujourd'hui multiplié à un point tel qu'il est devenu impossible de conserver une vue d'ensemble. La SIA elle-même ne peut entièrement se soustraire à la critique, dans la mesure ou sa marque et son nom sont souvent invoqués comme label, certification ou garantie de qualité, que ce soit comme complément aux titres professionnels dans une raison sociale (Arch. dipl. EPF/SIA) ou dans le patronage de manifestations ou autres projets. Outre le label en nom propre de la SIA, ses normes et règlements servent aussi fréquemment de référence à diverses autres certifications. Sur ce plan, la direction entend également poser un regard plus attentif sur l'appropriation conforme de ces bases. Afin de fournir aux administrations, aux investisseurs et aux maîtres de l'ouvrage un moyen de s'orienter parmi les étiquettes à prendre en considération, la direction envisage une compilation systématique des certifications liées à la construction. Les divers labels existants seraient analysés en fonction de leur respect des normes SIA et déclarés "sia conformes" le cas échéant. On peut aussi envisager que la SIA s'associe plus directement au développement de nouveaux labels pour le bâtiment ou à l'élaboration de bases pour la durabilité du bâti au niveau culturel, par exemple. La direction souhaite en revanche s'abstenir de rajouter un certificat de son cru pour le bâtiment. Elle n'estime pas davantage qu'il en faille encore - et certainement pas avec l'estampille SIA - pour la formation continue. La motivation personnelle des praticiens à parfaire leurs connaissances devrait suffire et ils sont en principe capables de distinguer eux-mêmes les formations sérieuses de celles qui ne le sont pas. Plutôt que de développer un énième label dans ce domaine, la direction préfère également concentrer les efforts sur le maintien d'une offre de perfectionnement de haut niveau destinée aux professionnels.

Thomas Müller, responsable de la communication SIA