19.05.2010 | Daniel Kündig

Nouvelles dimensions de l'aménagement du territoire

Qu'il faille agir sur l'aménagement du territoire est maintenant reconnu au-delà des cercles spécialisés. Pourtant, les dérives constatées ne sont toujours guère combattues.

Dans le présent article, le président de la SIA, Daniel Kündig, détaille les mécanismes du grignotage territorial et le potentiel de changement que les professionnels SIA représentent dans ce contexte.

La planification territoriale jusqu'ici pratiquée en Suisse est loin d'être un franc succès. Malgré les principes ancrés dans la loi dès 1979, les surfaces bâties n'ont cessé de s'étendre de façon disproportionnée par rapport à l'accroissement de la population. L'image actuelle de la Suisse et le reflet des appétits territoriaux de notre société et du système politique qui a permis leur déploiement. Or des incitations contraires à un usage rationnel du sol continuent à prévaloir:

  • les communes adoptent des plans d'affectation motivés par la concurrence fiscale;
  • les cantons créent de nouvelles surfaces dévolues au développement économique;
  • les zones à bâtir représentent des gains financiers;
  • le potentiel de renouvellement est sous-exploité en raison de la complexité des enjeux et des frais élevés qu'elle entraîne.

Certes, le "mitage" actuel du territoire est aussi le résultat d'une demande, elle-même soutenue par la planification des infrastructures. Un des effets lourds de cette évolution est l'augmentation constante de la mobilité et de ses retombées environnementales. On a donc aménagé et bâti pour répondre aux aspirations croissantes de notre société en matière de surfaces habitables et d'accès aux infrastructures. Une demande qui a été en grande partie satisfaite par les concepteurs, architectes et ingénieurs auxquels elle a fourni du travail. Et les professionnels de la SIA n'y font pas exception. Or il est évident que l'on ne peut plus continuer ainsi. Quelle est dès lors la mission de la SIA face au développement territorial de la Suisse?

Tâches de la SIA et de ses membres

La pérennité d'un patrimoine bâti dans un cadre de vie durable est l'objectif premier de la SIA. Dans une perspective territoriale globale, cela implique une vue d'ensemble intégrant l'urbanisme, la mobilité et l'environnement naturel. A l'extension persistante des surfaces bâties, il est urgent d'opposer la concentration dans l'espace urbain. La SIA et les professionnels qu'elle représente doivent favoriser une densification vers l'intérieur en proposant des solutions résidentielles originales recherchées par les usagers. Il s'agit d'étudier et de réaliser des ensembles qui offrent un habitat de qualité, ménagent les ressources et l'énergie et réservent des espaces publics aisément accessibles à tous. La population suisse s'accroît actuellement de quelque 80'000 résidents par an. Soit une augmentation annuelle équivalant à une ville comme St-Gall. Le défi que les professionnels SIA ont à relever n'est dès lors plus de viabiliser un nouveau mètre carré de terrain par seconde, mais de planifier et concevoir de nouvelles villes. Avec une ferme volonté de concrétiser leurs projets, les architectes, ingénieurs et aménagistes doivent s'y atteler dans un esprit d'interdisciplinarité. Aujourd'hui, cela implique - et impliquera toujours davantage - des personnes non seulement formées au méthodes d'analyse, mais qui maîtrisent aussi les étapes de la mise en Suvre et connaissent ou ont acquis les moyens de déjouer les obstacles liés aux enjeux politiques. De telles capacités font actuellement défaut sur le marché. La SIA doit s'efforcer de promouvoir la formation nécessaire au sein des hautes écoles et dans la pratique.

Intégration de dimensions complémentaires

Notre environnement comprend trois dimensions. A l'avenir, l'aménagement du territoire ne doit donc plus se cantonner à une gestion intelligente et une coordination fonctionnelle des usages du sol, mais - à côté des données urbanistiques et économiques - intégrer l'articulation de l'espace public et des volumes qui le définissent, ce qui relève de la compétence des architectes et urbanistes. Un autre élément essentiel à un pilotage territorial de qualité est la projection des développements sur l'axe temporel, soit dans la quatrième dimension. Comme association de professionnels indépendants, une des tâches prioritaires de la SIA est d'élaborer des expertises pour les responsables de la planification auprès de la Confédération, des cantons et des communes. Or l'aménagement du territoire est devenu une discipline éminemment politisée, qui implique toujours plus de consultations. Cela nécessite un gros investissement personnel, du flair politique, une sensibilité sociale, de l'endurance, de la patience et beaucoup de passion. Ce sont-là des aspects et des particularités auxquels il s'agit de sensibiliser la relève et les jeunes en formation. Dans cette optique, la SIA doit superviser la mise en place de conditions cadres appropriées pour développer les compétences des acteurs concernés.

Daniel Kündig, président de la SIA