16.05.2012 | sia online | Erdjan Opan

Impressions du 5e WFES à Abou Dhabi

Début des années 70 : Abou Dhabi est un petit port avec quelques tentes au milieu du désert. Seule ressource: la pêche. L’eau est rare et précieuse.

Janvier 2012 : Abou Dhabi est une ville moderne de gratte-ciel en verre de 900 000 habitants. Ressource principale : le pétrole. L’eau est abondante, car dessalée à coup de millions de litres par jour qui engloutissent une quantité gigantesque d’énergie non renouvelable. Pour poursuivre cette croissance non durable tout en agrémentant le tout d’un peu de prestige, il est prévu de construire des centrales nucléaires, dont la première devrait être mise en service en 2017. Dans les faits, rien ou presque n’est entrepris pour réduire la facture énergétique:

- Le bâtiment moyen construit à Abou Dhabi consomme plus de 200 KWh/m2/an d’électricité (climatisation)

+ utilisation standard), ce qui correspond à la plus faible classe (G) de notre étiquette énergie pour les bâtiments.

- Tous les espaces pris sur le désert sont verts, y compris les abords des kilomètres d’autoroute, alors que quasiment aucune goutte d’eau douce n’est disponible naturellement.

- Les voitures des dignitaires parquées devant le centre de congrès restent des heures à attendre moteur allumé pour la climatisation alors qu’il fait à peine 25° C.

- A l’hôtel, le frigo du minibar est vide, mais réglé au maximum dans les 400 chambres et le service quitte la pièce en laissant toutes les lampes (à incandescence !) allumées.

C’est dans ce cadre que le World Future Energy Summit (WFES) se tient annuellement depuis cinq ans. Cette année, le sommet a été ouvert, entre autres, par le premier ministre chinois M. Wen Jiabao, le secrétaire général des Nations Unies M. Baan Ki Moon et le représentant suisse M. Bertrand Piccard. Tout ici est emballé de couleur verte et de beaux discours. Un «greenwashing» mondial de première classe.

Il est néanmoins possible de s’y convaincre que les solutions pour un futur durable sont, dans leur grande majorité, connues, disponibles et simples. Il ne reste donc plus qu’à les appliquer ! Or c’est justement là que les difficultés commencent et Abou Dhabi offre à cet égard une merveilleuse caricature pour comprendre pourquoi ces solutions ne sont pas mises en oeuvre : tout est bloqué par l’économie de marché alimentée et corrompue par les énergies fossiles, les réflexions financières à court terme qui ne tiennent pas compte des coûts d’exploitation, le marketing poussant à la consommation à outrance, le confort de l’habitude et les rêves et ambitions d’une majorité de la population.

Le défi semble clair : l’économie d’énergie et l’efficacité énergétique sont les mesures les plus simples et les plus économiques. Mais elles dépendent du comportement de chacun, tant privé que professionnel. Malheureusement, ces mesures ne sont pas spectaculaires ; elles entraînent une diminution du PIB et ne donnent pas l’impression que les économies réalisées permettront une augmentation du pouvoir d’achat. En d’autres termes, elles ne privilégient ni l’émotionnel, ni le marché, ni le porte-monnaie du citoyen. Trois tares gravissimes dans notre monde développé dédié à la croissance et à l’individualisation!

Dès lors, il apparaît que seule l’augmentation du prix de l’énergie fossile ou non renouvelable a son vrai coût, c’est-à-dire en incluant ses externalités, permettra de provoquer la prise de conscience nécessaire et d’assurer simultanément la compétitivité économique des énergies renouvelables. A terme, cette hausse est de toute façon inéluctable, les énergies non renouvelables étant par définition des ressources finies.

Il ne nous reste donc malheureusement plus qu’à espérer que les coûts énergétiques « réels » s’imposent rapidement. En effet, plus l’on attend, plus le changement de paradigme pour nos sociétés industrialisées sera difficile.

Erdjan Opan, délégué à l’énergie SIA