23.10.2017 | sia online | Prof. Dr Walter Kaufmann

Ajouts au béton : une documentation s’impose

La commission de la norme SIA 262 rappelle que du béton prêt à l’emploi, auquel on ajoute encore de l’eau sur le chantier, n’est plus conforme à la norme. Pour assurer la sécurité d’une telle opération, celle-ci doit obligatoirement s’effectuer suivant un mode opératoire clairement défini.

L’hydratation après-coup de béton prêt à l’emploi, en général dans le camion malaxeur après son arrivée sur le chantier, fait régulièrement débat. Pour clarifier le sujet, voici un rappel des prescriptions normatives, assorti d’une mise en garde de la commission de la norme SIA 262 face aux pratiques courantes.
La norme SN EN 2016:2013, chiffre 7.5 (2) et son annexe nationale, chiffre NA7.5 prévoient fondamentalement que des adjuvants, des pigments, des fibres ou de l’eau peuvent être ajoutés au béton après le processus de malaxage principal et avant son déchargement – soit en principe dans le camion malaxeur ou la cuve agitatrice. Mais uniquement si les conditions suivantes sont remplies:

– l’ajout est effectué sous la responsabilité du fabricant;
– la consistance et les valeurs limites spécifiées pour le béton en question sont respectées après l’adjonction;
– un mode opératoire écrit, défini dans le cadre du contrôle de la production, garantit la sécurité de cette opération.

Les quantités d’adjuvants, d’eau, de pigments et de fibres ajoutées (si la teneur en fibres est spécifiée) doivent figurer sur le bon de livraison conformément au chiffre 7.5 (4) et, en cas d’ajout d’eau, le chiffre 7.5 (3) prescrit un essai de conformité sur un échantillon du produit fini.

Loin d’être exceptionnel, l’ajout d’eau – le plus souvent à la demande de l’entrepreneur – est aujourd’hui assez fréquent sur les chantiers suisses. L’opération est effectuée par le chauffeur du camion malaxeur, qui la rapporte la plupart du temps sur le bon de livraison. Or, l’usine de production n’en est généralement pas informée au préalable, pas plus qu’une éprouvette de béton frais n’est réalisée pour contrôler la conformité du nouveau produit fini. Et aucun des fabricants interrogés par la commission ne dispose, au niveau de son contrôle de production en usine, d’une procédure documentée garantissant la sécurité de ces opérations d’adjonction. Le béton obtenu n’est dès lors pas conforme aux normes. La commission SIA 262 se montre particulièrement critique en ce qui concerne l’hydratation après-coup: l’ajout d’eau revient à utiliser un « fluidifiant » bon marché pour ajuster la consistance du béton sur place, ce qui se traduit – comme les fabricants l’ont constaté – par un sérieux écart entre la consistance du produit commandé et celle du béton mis en œuvre.

Possibles effets dommageables
Le problème n’est pas seulement d’ordre normatif: l’addition d’eau a des effets néfastes sur les propriétés du béton durci (résistance et durabilité réduites, retrait accru notamment), qui engagent la responsabilité des intervenants. Raison pour laquelle la commission a demandé à l’Association suisse de l’industrie des graviers et du béton (ASGB) et à la Société suisse des entrepreneurs (SSE) de sensibiliser leurs membres à cette problématique et d’instaurer les mesures qui s’imposent par le biais de formations. De même, les ingénieurs et les architectes impliqués dans la direction de chantier devraient à l’avenir aussi accorder plus d’attention à la question des adjuvants (pigments, fibres et surtout eau) employés sur le chantier: un ajout d’eau doit être réalisé suivant un mode opératoire documenté pour l’addition de substances sur place. En cas d’hydratation exceptionnelle, p. ex. pour obtenir la consistance convenue par temps chaud ou lorsque les camions malaxeurs sont contraints à une attente imprévue, l’opération doit faire l’objet d’un accord entre tous les intervenants et la consistance du nouveau produit fini doit être vérifiée et documentée sur la base des valeurs limites spécifiées.

Photo: Jean-Jacques Ruchti