03.02.2010 | Claudia Schwalfenberg

Table ronde sur la culture bâtie

La culture architecturale et le souci du patrimoine connaissent un regain d'intérêt depuis une décennie - et pas seulement sous forme de slogans qui semblent soudain sur toutes les lèvres. S'inspirant d'exemples européens, la SIA lance une "Table ronde sur la culture bâtie en Suisse".

Forte de sa longue tradition d'interdisciplinarité et de perception globale des enjeux liés à l'environnement construit, la SIA peut se targuer d'avoir toujours entretenu une approche culturelle de la réalité bâtie. Mais contrairement à ce qui se passe dans d'autres pays européens, la Suisse ne connaît pour l'instant pas d'initiative faîtière pour consolider cette conception. Patrimoine suisse se présente certes comme "la première organisation suisse sans but lucratif du domaine de la culture architecturale", mais une tentative systématique pour fédérer les divers acteurs actifs dans ce domaine n'a jusqu'ici jamais eu lieu. Afin de revitaliser le débat autour de cette problématique, la direction de la SIA a décidé de créer une "Table ronde sur la culture bâtie en Suisse", avec l'objectif de sensibiliser le public aux enjeux qui s'y rapportent et de leur conférer une existence politique au-delà des milieux spécialisés. L'initiative de la SIA s'inspire de démarches analogues lancées dans divers pays européens, tels que la Hollande, les pays scandinaves, la France, la Grande-Bretagne ou l'Irlande. Quant aux expressions "culture du bâti" ou "culture bâtie", elles renvoient à la notion de "Baukultur" qui s'est surtout imposée en Allemagne et en Autriche au cours de la dernière décennie.

Conseil et rapports

Début 2009, la "Baukultur" est ainsi devenue un enjeu au plus haut niveau en Autriche. A l'initiative de la chambre basse du parlement (Nationalrat), mars 2009 a vu la première réunion au sein de la Chancellerie fédérale à Vienne d'un conseil ad hoc (Beirat für Baukultur), dont la mission est d'établir et de promouvoir un dialogue sur la culture bâtie à l'échelle du pays entier. Y sont représentés les services concernés au plan fédéral, les länder et les communes ainsi que des expert(e)s indépendant(e)s. L'architecte Bettina Götz en assure la présidence. La mise en place de ce conseil est pour l'instant l'aboutissement majeur de toute une série d'actions, parmi lesquelles figure un rapport sur la culture bâtie qui paraîtra désormais tous les cinq ans. La première édition de ce document (Österreichische Baulkulturreport 2006) comporte 500 pages en six tomes articulés comme suit: recommandations, responsabilité, collectivités publiques, durabilité, économie et production. Ces différents titres dénotent l'étendue des thèmes traités dans le rapport, qui vont des aspects politiques jusqu'aux possibilités de partenariat entre culture du bâti et tourisme. La recherche de mots-clés particuliers est offerte sur le site Internet. En Allemagne, c'est en 2002 déjà que le gouvernement fédéral a présenté au Bundestag un rapport sur l'état de la culture bâtie dans le pays, avec des analyses de la situation de départ et des recommandations. Enrichi d'exemples types, un deuxième rapport a suivi seulement trois ans après, avant d'être republié en 2007 avec focalisation sur les thèmes suivants: ville et collectivités publiques, régions et paysages, mobilité et transports, démographie et mutations structurelles, techniques et écologie, qualité et coûts, ainsi que capitale Berlin - grands projets.

Une notion aux aspects multiples

La diversité des thèmes impliqués reflète l'étendue de la notion de culture bâtie, dont l'emploi recouvre donc des aspects multiples. Le débat public de ces dernières années a mis en évidence quatre champs de référence principaux selon ses acceptions.
- Premièrement, comme concept englobant, l'expression inclut le bâtiment, l'architecture paysagère et d'intérieur, l'urbanisme et l'aménagement territorial, le génie civil, la conservation du patrimoine, etc. ; "culture du bâti" renvoie alors à l'exigence de concertation interdisciplinaire. - Deuxièmement, prise dans son sens sociohistorique, la culture bâtie désigne la matérialisation d'accords sociétaux.
- Troisièmement, lorsqu'elle intègre l'idée de processus, elle ne dénote plus seulement l'environnement construit en tant que tel, mais encore les conditions de son apparition et de son entretien.
- Quatrièmement, dans son invocation politique, elle vise à légitimer la place de l'architecture, du génie civil et de la conservation du patrimoine dans les débats sur l'affectation de ressources limitées.

L'architecture comme moteur

La caractéristique première du débat sur la culture bâtie en Autriche et en Allemagne est le rôle prépondérant dévolu à l'architecture. Le moteur des démarches autrichiennes a été la plate-forme pour la politique architecturale et la culture du bâti à laquelle les principales associations faîtières du domaine se sont ralliées en 2002, afin de revivifier le dialogue entre architectes et planificateurs d'un côté et avec les décideurs politiques de l'autre. Son premier succès notable fut la conduite d'une enquête parlementaire, diligentée en mars 2004 et intitulée "Architekturpolitik und Baukultur in Österreich". Les choses se sont passées différemment en Allemagne, où l'initiative "Architektur und Baukultur" lancée à l'automne 2000 a d'emblée été portée conjointement par les responsables politiques et les professionnels de la branche, soit par les ministères fédéraux des constructions et de la culture, ainsi que par les chambres des architectes, des ingénieurs et d'autres partenaires. Jusqu'ici, la percée majeure est intervenue en automne 2007 avec la création d'une fondation pour la culture bâtie à l'échelon fédéral (Bundesstiftung Baukultur). En lançant sa "Table ronde sur la culture bâtie en Suisse", dont la première réunion est prévue en mars prochain, la SIA ne s'inspire pas seulement des succès obtenus dans les pays limitrophes, mais s'inscrit dans la foulée de ses propres actions en faveur de la promotion du bâti - qu'il s'agisse de l'interface "Trottoir" nouvellement ouverte à Zurich pour mettre la culture bâtie "en vitrine", de l'exposition "Regards", des semaines architecturales lancées par la section vaudoise en 2006 dans le cadre des "15n" ou du récent projet "BauKultur" porté par la section de Suisse centrale.

Claudia Schwalfenberg, cheffe de projet "Table ronde sur la culture bâtie en Suisse"