13.02.2012 | sia online | Jean-Pierre Wymann

Conflits d’intérêts

De nombreux maîtres d’ouvrage renvoient, dans leurs rogrammes, à la directive «Conflits d’intérêts» de la commission des concours de la SIA. Il en existe désormais une version révisée qui décrit les nouvelles bases légales et propose de nombreux exemples supplémentaires.

Sont susceptibles d’être concernées par un conflit d’intérêts les personnes qui entretiennent une relation employeur-employé, présentent un lien de parenté, sont dans un rapport de dépendance ou d’association ou ont été impliquées dans la préparation d’un concours. Il y a conflit d’intérêts lorsqu’une de ces situations compromet l’indépendance de jugement de n’importe quel acteur d’un concours, qu’il s’agisse d’une personne chargée du suivi de la procédure, d’un membre du jury, d’un spécialiste-conseil ou d’un participant. Dans le petit pays qu’est la Suisse, de telles situations sont fréquentes, le nombre de professionnels compétents étant restreint et beaucoup d’entre eux se connaissant ou ayant affaire les uns avec les autres. Comme tout comportement déloyal nuit à l’institution des concours, la commission SIA 142/143 Concours et mandats d’étude parallèles fixe à cet égard des règles strictes. Les acteurs d’un concours doivent renoncer à leur implication dès que pèse sur eux ne serait-ce que la présomption d’un conflit d’intérêts.

Dans le cas d’une procédure judiciaire, les magistrats dont l’impartialité est compromise sont tenus de se déporter. Dans le cas d’un concours, ce n’est pas aux membres du jury touchés par un conflit d’intérêts de se récuser, mais aux concurrents potentiels concernés de s’abstenir de participer. En d’autres termes, à la différence d’une affaire judiciaire, où la personne poursuivie est connue et où la composition du tribunal doit être définie en conséquence, ce sont, dans un concours, les concurrents potentiels qui doivent déterminer, en fonction de la composition du jury, s’ils peuvent ou non participer. Si c’était aux membres du jury de se récuser, cela risquerait de faire voler en éclats la plupart des jurys – même ceux comportant plusieurs suppléants.

Dans une procédure ouverte ou sélective, il appartient aux concurrents potentiels de renoncer, en cas de conflit d’intérêts, à prendre part au concours. Dans une procédure sélective ou sur invitation, il incombe par ailleurs à chaque membre du jury de faire état de tout conflit d’intérêts potentiel.

Liens de parenté
Qu’il y ait ou non conflit d’intérêts dépend du degré de parenté des personnes concernées, de la position qu’elles occupent et du fait qu’elles soient ou non impliquées dans le concours. Les dispositions relatives aux liens de parenté s’appliquent aux patrons des bureaux participants et à ceux de leurs collaborateurs qui sont impliqués dans le concours (les autres n’étant pas concernés).

Au niveau cantonal, les restrictions liées au degré de parenté sont régies par la législation sur la procédure et la juridiction administrative, dont les dispositions varient d’un canton à l’autre. Au niveau fédéral, une participation est désormais exclue pour les parents et les alliés en ligne directe et, jusqu’au troisième degré inclus, en ligne collatérale (oncle/tante et neveu/nièce). La Confédération est ainsi revenue sur la disposition précédemment en vigueur, selon laquelle une parenté du quatrième degré en ligne collatérale constituait déjà un motif de renonciation. La nouvelle disposition fédérale correspond dès lors à celles des lignes directrices «Conflits d’intérêts» publiées en 2005.

Relations de dépendance ou d’association
Les professionnels de l’architecture et de l’ingénierie sont amenés à s’allier entre eux pour différentes raisons et selon différentes modalités ou configurations. La directive «Conflits d’intérêts» fait la distinction entre le partage de locaux, les partenariats à durée limitée et les groupements d’architectes ou d’ingénieurs à durée indéterminée. En principe, ces différents types d’alliance entre professionnels instaurent une relation de dépendance ou d’association et peuvent, de ce fait, représenter un motif de renonciation. S’agissant des partenariats à durée limitée, c’est le cas lorsque les personnes concernées sont liées par contrat entre la publication du concours et le jugement final, et que le chiffre d’affaires résultant du partenariat représente une part importante du chiffre d’affaires des différents partenaires.

Les participations à des personnes morales, les positions dirigeantes, les activités d’enseignement et les mandats politiques peuvent aussi impliquer des relations de dépendance ou d’association. Les conjoints ne sont certes pas parents, mais un mariage ou une relation assimilable instaure sans conteste une situation d’association, voire de dépendance économique. Que cela constitue ou non un motif de renonciation dépend de la position que les partenaires occupent dans les entreprises ou autorités impliquées dans le concours, et du fait qu’ils le soient eux-mêmes ou non.

Implication préalable et amitié
Le jury peut exceptionnellement autoriser les auteurs d’études destinées à la préparation d’un concours à participer à celui-ci. Il faut pour cela que les résultats des travaux préparatoires puissent être consultés par tous les participants et que les auteurs des études soient nommément cités dans le programme.

Des relations amicales entre participants et membres du jury ne suffisent pas à faire peser sur eux la présomption d’un conflit d’intérêts, et ne représentent donc pas un motif de renonciation. La Suisse étant un petit pays comportant peu de hautes écoles pour architectes et ingénieurs, de telles amitiés y sont fréquentes. Le fait que les membres professionnels des jurys soient souvent sollicités du fait des concours auxquels ils ont eux-mêmes participé avec succès, renforce cet entrelacs de relations, mais favorise aussi la culture des concours et, partant, la qualité de l’architecture. En outre, les professionnels d’un même domaine se trouvent régulièrement en concurrence les uns avec les autres, ce qui est garant d’une certaine distance critique.

Composition du jury
Des jurys de concours toujours composés des mêmes personnes sont susceptibles de désavantager systématiquement certains participants. Aussi les maîtres d’ouvrage publics et institutionnels sont-ils appelés à choisir les membres des jurys qu’ils constituent parmi un large éventail de personnes, en veillant à une bonne alternance. A cet égard, le fait de solliciter des personnes venant d’ailleurs améliore l’accès aux concours pour les participants installés dans la région.

Jean-Pierre Wymann, architecte EPF SIA FAS, responsable Concours et mandats d’étude parallèles SIA


Toutes les directives de la commission SIA 142/143 peuvent être téléchargées gratuitement sous: www.sia.ch/142i