23.09.2014 | sia online | David Fässler & Frank Peter Jäger

Potentiel des forces de travail indigènes

Le résultat d’un sondage de la SIA auprès de la branche suisse des études et de la planification pour la construction indique que celle-ci reste tributaire du recrutement de spécialistes à l’étranger. La SIA préconise d’activer en parallèle le réservoir indigène de personnes qualifiées.

La population suisse a accepté le 9 février 2014 l’initiative populaire dite «contre l’immigration de masse». Le souverain s’est ainsi prononcé en faveur d’une révision de la politique d’immigration et le modèle présenté en juin par le Conseil fédéral pour l’application de cette initiative prévoit la réintroduction de maxima et de contingents dès 2017. Sa mise en œuvre doit prendre en compte les indicateurs économiques et les chiffres relatifs au marché du travail au niveau des cantons. La SIA a saisi l’occasion de ce changement de cap dans la politique migratoire pour interroger ses bureaux membres à propos de cette décision et de ses retombées.

Une majorité de professionnels opposés à l’initiative

Un questionnaire a donc été envoyé à 2017 bureaux membres en juin et 314 (environ 15 %) y ont répondu. La majorité juge négativement le résultat du scrutin: quelque 60 % des bureaux y voient des inconvénients, contre seulement 4 % qui estiment que la nouvelle donne recèle des avantages. Un gros tiers, soit 36 %, affiche une attitude neutre.

Le net rejet des objectifs de l’initiative recoupe les résultats des enquêtes conjoncturelles régulièrement réalisées sur mandat de la SIA: malgré un léger tassement des perspectives actuelles, la branche suisse des études et de la planification pour la construction souffre d’un déficit chronique de personnel qualifié. Les sous-effectifs rapportés par les bureaux d’architectes et d’ingénieurs se traduisent par des commandes qui ne peuvent être honorées ou exécutées dans les délais voulus. Plus de 80 % des bureaux recrutent donc à l‘étranger, principalement dans les pays européens limitrophes.

En regard de l’évolution conjoncturelle, on peut dès lors s’attendre à ce que les besoins en spécialistes demeurent stables pour les prochaines années, voire augmentent même encore un peu. Si l’on extrapole à partir des données actuelles de l’Office fédéral de la statistique (OfS) et moyennant une part constante de 25 % de personnel étranger, un contingent annuel de 2200 personnes qualifiées est donc nécessaire pour couvrir les besoins affichés par les secteurs de l’architecture et de l‘ingénierie, soit quelque 750 ingénieurs et 1450 architectes pour être précis. Les sondés tablent par ailleurs sur une augmentation de ces besoins de l’ordre de 10 % par an pour les années à venir. À un horizon de cinq ans – pour 2019 par exemple –, cela correspondrait alors à un contingent d’environ 3500 personnes.

Qualification des spécialistes indigènes

Au vu de ces chiffres, la SIA plaide pour une application étendue de l’initiative, car il serait inacceptable que la réintroduction de contingents se traduise par un déficit encore accru de personnel qualifié dans une branche-clé pour le domaine de la construction. Plutôt que d’introduire des restrictions forfaitaires à l’immigration, la SIA juge plus prometteur d’associer des mesures concrètes de requalification des forces de travail indigènes au recrutement contrôlé de spécialistes à l’étranger. Elle en appelle en l’occurrence à un engagement réel et concerté des associations professionnelles, des pouvoirs politiques et des milieux de la construction. Il s’agit en même temps de mobiliser davantage le réservoir de forces qualifiées autochtones déjà actives dans la branche.

Perspectives améliorées pour les séniors

Dans cette optique, le directeur de la SIA, Hans-Georg Bächtold, évoque trois groupes particuliers: les femmes, les travailleurs de plus de 50 ans et les personnes de formation supérieure qui ont changé d’orientation. Selon lui, il est absurde que des ingénieurs séniors ou des femmes ayant choisi de se consacrer pour un temps à des tâches éducatives rencontrent des difficultés à se réinsérer dans leur profession, tandis que des candidats d’origine étrangère sont de plus en plus nombreux à occuper les postes vacants dans les bureaux d’étude. Il souhaite que les membres SIA et l’ensemble des professionnels de la branche se montrent plus sensibles à cette problématique.

Il est en effet très important que le personnel indigène qualifié ne se sente pas discriminé. Car si des cercles toujours plus larges de personnes bien formées se voient comme les perdantes d’une politique migratoire libérale, il y a lieu de craindre de nouvelles décisions populaires encore plus restrictives qui finiront par désavantager l’ensemble des groupes concernés.

David Fässler est avocat, MBA et responsable de SIA-Service
Frank Peter Jäger est rédacteur à la SIA

Communiqué de la SIA sur l’initiative contre l’immigration de masse, 15.7.2014