21.08.2018 | sia online | Urs Wiederkehr

L’apprentissage mutuel : un potentiel sous-estimé

Qui apprend de qui – l’enseignant ou l’élève ? Bien des gens jugeront cette question totalement absurde. L’élève apprend avant tout de l’enseignant. Théoriquement, du moins. De nos jours, l’apprentissage mutuel entre élèves tend à s’établir dans les salles de classe. Faut-il exploiter ce potentiel, et si oui, de quelle façon ?

J’ai eu l’occasion, au cours des dernières années, de participer à l’évaluation de programmes de formation continue et de perfectionnement professionnel. Il s’agissait de comparer selon des grilles prédéfinies les attentes posées en début de cursus avec les résultats atteints au terme de celui-ci. Les responsables de formation mettent ensuite à profit les conclusions tirées pour améliorer les cours et optimiser l’intervention des enseignants. Il en est notamment ressorti que le rapport hiérarchique classique entre enseignant et élève tend à s’estomper et que les enseignants doivent faire preuve de compétences sociales pour être en mesure d’animer des cours à orientation pratique. Pour ma part, j’ai été surpris de constater à plusieurs reprises l’apparition d’une autre forme d’apprentissage, les élèves profitant dans une large mesure les uns des autres. Bien entendu, les fortes personnalités dotées d’un certain charisme ou ayant vécu des expériences particulières sont toujours considérées par les autres comme des références. Aujourd’hui toutefois, même les élèves plus discrets deviennent des modèles : ils sont écoutés et leurs compétences sollicitées – pour leurs qualités de calme ou parce qu’ils ont su gravir des échelons, par exemple. Afin d’éviter tout malentendu, précisons que ces situations ne sont pas à confondre avec les groupes d’étude recommandés par les établissements, au sein desquels trois ou quatre élèves se réunissent dans le but de traiter et de réviser ensemble un sujet précédemment abordé en classe.

Jusqu’à présent, peu d’attention a été prêtée à ces échanges didactiques entre élèves. Les prestataires de formations peuvent choisir de les ignorer, ou au contraire de les encourager. Quant aux élèves, ils peuvent se demander – quitte à paraître provocateurs – s’ils ont encore vraiment besoin de cours : pourquoi n’organiseraient-ils pas la transmission de savoirs entre eux ?

Les thèmes les plus fréquemment cités comme étant propices à l’apprentissage mutuel sont ceux qui ne disposent pas encore de bases scientifiques solides. Bien souvent, une personne enseigne quelque chose sans en avoir conscience, en donnant par exemple un conseil rapidement applicable dans une situation donnée. Il en va de même des comportements exemplaires, qui relèvent de la compétence sociale. Une personne qui aura su se montrer convaincante face à des interlocuteurs particulièrement coriaces se pose en modèle pour les autres. Il est bien connu que les compétences sociales sont difficiles à enseigner, et encore plus à évaluer. S’inspirer d’une expérience positive peut s’avérer très efficace à cet égard.

Dans le cadre d’une formation, la question est toujours de savoir si les enseignants doivent jouer les médiateurs et offrir aux élèves des opportunités d’échanges et de discussions en classe. Je sais par expérience qu’un cours ne se déroule pas toujours comme prévu. Il va de soi que le modérateur peut jouer un rôle de catalyseur, et redresser le cap si une erreur d’appréciation a manifestement été commise. Les échanges ont aussi souvent lieu en marge du cours, à savoir pendant la pause, lors du déjeuner ou à l’occasion d’une visite d’entreprise.

L’apprentissage mutuel n’est pas prévisible Contrairement au rapport hiérarchique clair entre l’enseignant et l’élève, il n’est pas possible de prévoir à l’avance si les participants à une formation apprendront les uns des autres. Cela dépendra non seulement de la composition de la classe, mais sera aussi le fruit d’un heureux hasard. Dans tous les cas, cet échange donnant-donnant doit fonctionner dans les deux sens et se faire sur une base totalement volontaire – faute de quoi la transmission de connaissances ne pourra s’opérer. Tous les acteurs impliqués doivent en avoir pleinement conscience.