28.01.2013 | sia online | Hans Rudolf Spiess

La révision de la norme SIA 118

Lors de leur assemblée du 10 novembre 2012, les délégués de la SIA ont approuvé la publication de la norme révisée SIA 118 «Conditions générales pour l’exécution des travaux de construction». L’article ci-après détaille les modifications apportées à cette base contractuelle essentielle pour la branche de la construction en Suisse et les raisons qui ont poussé la commission à renoncer à une révision totale de la norme, même après 22 ans d’existence.

Datant de 1977, la norme SIA 118 Conditions générales pour l’exécution des travaux de construction est la norme contractuelle de référence pour la branche suisse de la construction. Elle est largement considérée comme équilibrée et comporte un certain nombre d’articles ayant donné lieu à une jurisprudence des plus hautes instances. Au cours de ses trente années d’existence, elle n’a subi que deux modifications mineures: en 1991, les dispositions sur le «Délai de garantie» ont été précisées dans trois notes de bas de page, puis en 1995, le terme «ICHA» a été remplacé par «Taxe sur la valeur ajoutée» lors de l’introduction de cette dernière. D’autres développements du droit des contrats pour la construction n’ont en revanche pas été intégrés à l’édition 1977/91, notamment la législation sur les marchés publics (LMP, AIMP), le retrait de la norme SIA 117 sur la mise en soumission et l’adjudication de travaux et de fournitures pour des travaux de construction (procédure de soumission) et celui du règlement SIA 153 des concours de génie civil, le remplacement quasi général de la méthode des pièces justificatives par celle de l’indice spécifique d’ouvrage pour le calcul du renchérissement ainsi que la garantie de la qualité.

En novembre 2005, la commission centrale des normes et règlements (ZNO/CNR) a mandaté la commission SIA 118 pour réévaluer la norme SIA 118 (1977/91), déterminer les mises à jour nécessaires et soumettre une requête en révision. La CNR a en outre précisé que l’équilibre entre les intérêts des maîtres d’ouvrage et ceux des entrepreneurs, comme point fort de norme SIA 118, devait être préservé. L’objectif n’était donc pas de procéder à une révision totale, mais à une rénovation douce ménageant l’articulation et le contenu d’une norme ayant fait ses preuves.

L’élaboration du nouveau texte

Composée de vingt représentants reconnus des maîtres d’ouvrage, des entrepreneurs, des entrepreneurs généraux, des bureaux d’étude et des pouvoirs publics, la commission SIA 118 s’est assuré les services de deux spécialistes renommés du droit des contrats à titre de conseillers. En sous-commissions, elle a réévalué l’actualité et la nécessité de mises à jour pour chacune des dispositions de la norme, aboutissant à un grand nombre de propositions qui ont ensuite été approfondies lors de plusieurs réunions journalières en plénum. A fin 2008, la commission a proposé un premier projet, qui a officiellement été mis en consultation de janvier à mai 2009. Plus de septante associations, administrations, entreprises et particuliers ont envoyé leurs prises de position. Sur la base de cette première consultation, la commission a retravaillé son projet, qui a fait l’objet d’une seconde consultation en mars 2012. C’est à partir des résultats livrés par celle-ci, que la commission a rédigé la mouture définitive de la nouvelle norme SIA 118 (2013). Dans la mesure du possible, les dispositions existantes ont été conservées et des modifications introduites uniquement lorsque le contenu l’exigeait. La norme SIA 118 ainsi révisée (2013) a finalement été adoptée à l’unanimité par la commission paritaire, puis soumise à l’assemblée des délégués de la SIA, qui en a entériné la publication le 10 novembre 2012.

Notons encore que l’association suisse des propriétaires fonciers (Schweizerischer Hauseigentümerverband, HEV) s’est retirée de la commission pour des motifs politiques après deux ans de précieuse collaboration. Une décision regrettable aux yeux de la commission, mais malheureusement inévitable en raison de l’exigence de la HEV pour une redistribution massive des forces en faveur des maîtres d’ouvrage, qui allait à l’encontre de l’objectif d’équilibre poursuivi.

Les modifications

  • Articulation: la norme SIA 118 (2013) reprend la numérotation des articles de l’édition 1977. Les art. 69 à 82 concernant le calcul du renchérissement par la méthode des pièces justificatives ont été abrogés sans être remplacés.
  • Délai de dénonciation: le changement le plus évident est le remplacement du terme «délai de garantie» par celui de «délai de dénonciation des défauts». On a ainsi tenu compte de la nécessité d’éviter toute confusion entre le délai de garantie et le délai de prescription.
    Le cautionnement solidaire pour la responsabilité des défauts doit être fourni pour une durée de deux ans (délai de dénonciation des défauts), jusqu’à ce que les défauts signalés avant l’expiration du délai de dénonciation aient été complètement éliminés. L’énoncé en note de bas de page dans la précédente édition (1991) est ainsi repris dans le texte lui-même. Cette décision est une réponse de compromis à la vieille querelle entre juristes sur l’interprétation de l’art. 181 al. 3 de la norme, quant à la durée de deux, cinq, voire dix ans appliquée à l’obligation de cautionner. La pratique montrera comment les entrepreneurs mettront en œuvre la nouvelle disposition avec leurs banques, leurs assureurs et, nouvellement, leurs organisations professionnelles comme cautions.Les montants minimaux et maximaux de la retenue et du cautionnement solidaire ont été adaptés au renchérissement enregistré depuis 1977.
  • CGC: en cas de contradictions avec la norme SIA 118, les conditions générales pour la construction (CGC-SIA) ne prévalent comme conditions contractuelles que si les dispositions divergentes sont mentionnées comme telles dans le texte du contrat (point 0.2 de toutes les CGC-SIA).
  • Calcul du renchérissement: la principale modification matérielle concerne le mode de calcul du renchérissement. Comme les méthodes indicielles prévalent aujourd’hui (p. ex. indice spécifique d’ouvrage MIS, indice des coûts de production ICP, méthode paramétrique MP) alors que celle des pièces justificatives (MPJ) a pratiquement perdu toute pertinence dans les contrats d’entreprise actuels, la nouvelle norme se borne à énumérer les différentes méthodes, dont l’application est réglée par la nouvelle série de normes SIA 121 à 124. Le mode de calcul du renchérissement retenu et l’application de la norme correspondante doivent être précisés dans le contrat. Le nouveau formulaire SIA de contrat d’entreprise a été adapté en conséquence.
  • Taxe sur la valeur ajoutée: la question de savoir comment interpréter le prix offert par une entreprise sans précision quant à la taxe sur la valeur ajoutée a été tranchée dans le sens des usages de la branche, selon lesquels la taxe est réputée non comprise dans l’offre.
  • Articles éventuels: les articles éventuels qui doivent être considérés dans l’établissement du montant de l’offre doivent être spécifiés comme tels dans le descriptif. Cette disposition concerne en priorité la passation des marchés publics.
  • Gestion de la qualité: les exigences applicables à la qualité et à son contrôle doivent être précisées dans le dossier d’appel d’offres. La substance bâtie existante est assimilée au sol de fondation : le maître de l’ouvrage doit en vérifier la constitution et en préciser les caractéristiques essentielles dans le dossier d’appel d’offres.

Les autres modifications sont de nature accessoire et souvent liées à de nouvelles notions légales (p.ex. sites contaminés, règles spécifiques à l’organisation de chantier).

Une révision en douceur justifiée

La norme SIA 118 révisée (2013) reflète la volonté de toutes les parties au contrat d’entreprise d’actualiser la norme pour continuer à l’appliquer comme fondement contractuel reconnu. Même si certains compromis peuvent faire l’objet de critiques dans les cercles juridiques, la norme SIA 118 (2013) n’en demeure pas moins une base fiable pour le contrat d’entreprise dans la construction. Quant à savoir si cette révision légère justifiait la publication d’une nouvelle édition SIA 118 (2013), la commission y a clairement répondu par l’affirmative. La nouvelle mouture reflète la pratique contractuelle actuelle dans la construction. On ne saurait en outre négliger le fait que la Conférence de coordination des services de la construction et des immeubles des maîtres d’ouvrage publics (KBOB) a formellement signalé à la commission que la norme SIA 118 (2013) serait pour l’essentiel appliquée telle quelle par les maîtres d’ouvrage publics. Sans révision, la KBOB aurait probablement édicté des conditions générales de son cru pour la construction publique, ce qui aurait considérablement affaibli la portée de la norme SIA 118.

Demeurent posées les exigences plaidant pour une norme totalement révisée et complètement réformée d’un point de vue juridique. S’il s’agit notamment de prendre en compte les efforts légaux en faveur d’une protection accrue des consommateurs, les risques assumés par les entrepreneurs s’en trouveraient alourdis et les responsabilités contractuelles allégées en faveur des maîtres de l’ouvrage. Dans la mesure où l’entrepreneur devrait alors intégrer des risques supplémentaires à ses calculs et les intégrer au contrat d’entreprise, on peut finalement douter du bénéfice réel qu’une telle révision apporterait au maître de l’ouvrage.

Hans Rudolf Spiess, président de la commission SIA 118, www.baurecht.ch


Diffusion de la norme SIA 118 (2013)

La norme SIA 118 révisée «Conditions générales pour l’exécution des travaux de construction» paraîtra au premier trimestre 2013.
Commande de la norme SIA 118 (2013), 72 pages, A4, 180 Fr., à l’adresse: www.webnorm.ch

 

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